Ouverture des commerces le dimanche : les réseaux de distribution à la recherche de la rentabilité

Ouverture des commerces le dimancheBercy finalise en ce moment une réforme du travail dominical, l’un des volets de la loi sur la croissance. Présenté ce mois-ci en Conseil des ministres, ce projet sera débattu au Parlement début 2015. Les acteurs de la distribution, quelle que soit leur taille, devront examiner toutes les conséquences de ce changement pour en tirer le maximum de profit. 

Le point avec Nicolas Huault, Directeur associé Finance advisory du groupe IENA

L’ouverture des points de vente le dimanche est-elle une opportunité ou une contrainte ?

Ouvrir le dimanche ne signifie pas simplement ouvrir un jour de plus. Cela a des conséquences. L’ouverture dominicale va permettre au retailer d’accroître sa visibilité, de satisfaire ses clients en leur offrant une plage horaire plus large,  voire de capter une clientèle différente dans sa composition, ses attentes ou ses comportements. En revanche, elle aura indéniablement un coût, notamment salarial et organisationnel (gestion des plannings et repos compensatoires…).

L’objet n’est donc pas tant de débattre sur l’opportunité ou non d’ouvrir le dimanche, que de revoir les forces et les faiblesses de son réseau sur chaque paramètre impacté(chiffre d’affaires et marge, frais de fonctionnement), afin d’adapter son organisation et ses pratiques dans un environnement en constante évolution. 

A première vue, l’impact sur la rentabilité d’un réseau de points de vente n’est pas évident à qualifier, car il dépend d’un certain nombre de facteurs propres à l’activité (produits et/ou services), du lieu d’implantation (zone piétonnière, site touristique, centre commercial, etc.), du positionnement de la concurrence, etc…  Nous pouvons néanmoins identifier les différents coûts de fonctionnement dont la nature (fixe ou variable) va contribuer à orienter les actions pour améliorer la performance. 

Le changement législatif qui se profile est donc l’occasion de passer en revue les différents leviers du business model Retail, ses KPI’s et de s’assurer que chaque fonction de l’entreprise – et notamment la direction financière – dispose du bon référentiel de pilotage et des outils adaptés. 

Quel modus operanti proposez-vous pour que ce changement de paramètre rime avec rentabilité ?

Premièrement, analyser le trafic en fonction de l’implantation des points de vente

La première chose à faire est d’étudier le trafic généré le dimanche de sorte à identifier l’apport strictement additionnel que cela apporte en termes de chiffre d’affaires, ainsi que l’impact de l’ouverture dominicale sur le trafic total hebdomadaire (dont le samedi). Il est également intéressant d’analyser l’évolution des taux de transformation (ratio nb d’achats/nb de visiteurs) et celle du panier-moyen en fonction des jours et, si l’on veut une maille plus fine, de certaines plages horaires (pause déjeuner, fin d’après-midi). 

L’évolution du trafic pourra varier selon :

  • la nature de l’activité et donc de la pratique de l’achat (biens de première nécessité versus achats plaisir)
  • le lieu : centre-ville, zone touristique, galerie marchande en centre commercial
  • la concurrence au sens large : trafic tiré par la présence d’une “locomotive” (magasin à forte notoriété) ou présence d’un concurrent direct.

Cette analyse fine du trafic permettra d’opérer les bons choix et d’étudier toutes les alternatives possibles. Un retailer pourra ainsi choisir d’ouvrir ses points de vente en nocturnes plutôt que le dimanche, si cela est plus rentable. 

Quelles que soient les décisions à prendre, cela suppose de disposer des bons outils pour collecter l’information et la traiter en croisant tous les critères.

Dynamiser les ventes tout en maîtrisant le ratio de la marge nette

Ouverture des commerces le dimanche : les réseaux de distribution à la recherche de la rentabilitéLe choix d’ouvrir un jour supplémentaire implique de dynamiser l’offre pour stimuler le trafic et le transformer en acte d’achat. Pour attirer le client 7 jours sur 7, le retailer peut agir sur plusieurs leviers : l’offre et son merchandising mais également la politique commerciale et promotionnelle.

Dans le premier cas, on s’attache au produit. Les consommateurs aiment la nouveauté. Au retailer de s’adapter en accélérant le rythme de renouvellement de son offre. Cette approche marketing peut prendre la forme d’offres spécifiques : produits d’inter-saison ou série limitée comme font les enseignes d’habillement avec leur collection « capsule ».  La nouveauté a un coût, car se réapprovisionner en cours d’année demande de la souplesse que seul un sourcing proche du réseau de points de vente peut offrir. L’entreprise devra donc s’interroger sur la stratégie à mettre en place en matière de diversification de ses sources d’approvisionnement.

Qui dit nouveauté, dit également stratégie de merchandising. Susciter l’intérêt du client, l’orienter vers les nouveaux produits, demande des investissements – nouvelles vitrines, nouvelles mises en scène des produits, animations commerciales – … qu’il faudra amortir.

Le retailer pourra également agir sur la politique des prix, en privilégiant les offres promotionnelles, les bons de réduction (remise différée), les actions de fidélisation, etc.

Pour être rentables, ces actions de dynamisation des ventes doivent reposer sur une gestion budgétaire rigoureuse. Se doter d’un outil de planification des approvisionnements et de pilotage du chiffre d’affaires brut à la marge nette (prix d’achat, remises immédiates et différées) devient un élément décisif pour la maîtrise de la rentabilité finale.

Maîtriser les coûts salariaux

L’ouverture d’un point de vente le dimanche impliquera également de revoir l’allocation des ressources en personnel, de recalibrer les ETP (Equivalent Temps Plein) par magasin, de remettre à plat la gestion des contrats et des primes et de prendre toute la mesure de coûts salariaux plus élevés le dimanche.

La redistribution du trafic sur l’ensemble de la semaine, l’optimisation du taux de transformation doit amener l’entreprise à faire les bons choix en introduisant par exemple des ressources supplémentaires sur certaines plages horaires dans le respect du droit du travail.

Cela nécessite de disposer de solutions adaptées pour piloter la masse salariale, gérer les contrats mais aussi les plannings. Seule une analyse financière fine du ratio de productivité horaire (chiffre d’affaires rapporté aux heures payées) peut permettre au retailer de maîtriser ses coûts salariaux. 

Contrôler et optimiser les frais généraux du point de vente

Ouvrir un jour de plus peut impliquer une évolution des loyers et charges locatives. Le retailer devra faire une analyse juridique et financière précise des baux au regard de cette extension d’activité. L’analyse des consommations et des contrats associés (eau, électricité notamment) ne sera pas à négliger. Elle pourra conduire à des renégociations contractuelles. La direction financière devra également veiller à ce que certaines dépenses liées à la hausse du trafic ne dérapent pas. C’est le cas des coûts d’entretien et de sécurité (vigiles).

La connaissance fine de chacun de ces coûts de fonctionnement comme leur élasticité devra s’appuyer sur un référentiel analytique approprié. Leur maîtrise dépendra de l’existence d’un bon contrôle interne. Faute de quoi, l’entreprise s’expose à des dépenses inconsidérées pouvant mettre en danger son équilibre financier.

A propos de Nicolas Huault 

Nicolas Huault possède 20 ans d’expérience en contrôle de gestion dans le domaine du retailing. Une expertise en matière de pilotage financier qu’il a mise au service de retailers disposant de leur propre réseau de points de vente (succursales, affiliation voire concession) ou d’acteurs du wholesale réalisant leurs ventes au travers de différents canaux (GMS, grandes enseignes…). Il a évolué dans différents contextes organisationnels français et internationaux, travaillant aussi bien pour des directions financières ou des centres de profit et dans des secteurs variés : parfums/cosmétiques, textile, télécommunications. Partant de la modélisation des différentes activités et dans le but d’améliorer leur performance, il a mis en place des solutions décisionnelles, réalisé des projets de maîtrise des coûts et participé à la mise en œuvre d’ERP (SAP). Il a rejoint le cabinet IENA fin 2014 pour porter une offre de transformation des directions financières.



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